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La notion de régénération a entraîné l'introduction d’une idée plus large, soit celle d’une qualité de vie recherchée, d’une durabilité de l'environnement, contenant également la dimension sociale et les objectifs de la collectivité (Sairinen, 2006). C’est donc en abordant le concept de la qualité de vie lié au sujet de la requalification des espaces riverains en milieu urbain que le processus d’évaluation des impacts sociaux (SIA) sera ensuite traité. Cette méthode sera par la suite divisée en quatre critères repris à travers des études de cas, par Sairinen.

 

 

Qualité de vie/qualité de la ville

 

La notion de “qualité de vie” doit être abordée, avant même de traiter les impacts sociaux survenant à la suite de la régénération d’une rive. En effet, Shang affirme que lorsqu’il est question d’un front de l’eau, un rattachement se fait forcément avec cette qualité de vie au niveau de la communauté. Selon elle, la population profite du paysage au bord de l’eau qui a son caractère propre, se détachant des diverses zones qui composent la ville. À ce secteur distinct se joignent des fonctions exclusives comme l’accès à une source naturelle d’eau; la possibilité de faire de ce lieu un pôle pour une variété d’activités; la possibilité de générer des expériences particulières; et l’occasion de procurer un sentiment d'appartenance. Ainsi, la qualité d’un espace riverain renvoie à la qualité de la ville et du même fait, à la qualité de vie, puisque celui-ci tient un rôle considérable dans la mise en forme du paysage urbain.

 

La sphère sociale résulte donc de ce développement effectué sur la rive qui améliore du même coup le développement urbain. La revitalisation des zones riveraines joue bien souvent le rôle de déclencheur pour la revitalisation de la ville adjacente. La réhabilitation du secteur riverain permet, entre autre, une amélioration de la croissance de la population, des opportunités de travail, du tourisme, des infrastructures et des logements, de même que de la qualité de vie globale de la population (Shang, 2011).

 

Social impact assessment (SIA)

 

De cette qualité de vie évaluée avec la Environnemental Impact Assessment (EIA), la SIA, faisant partie intégrante de la EIA, a été sélectionnée précisément pour sa spécialité de recherche - se concentrant exclusivement sur les impacts sociaux.

 

La SIA comporte les processus d’analyse, de suivi et de gestion des conséquences sociales du développement prévues et imprévues, tant positives que négatives, de même qu’un processus d’analyse d’interventions planifiées intégrant les politiques, les programmes, les plans et les projets. Son objectif premier est de tendre vers un environnement biophysique et humain plus durable et plus équitable (Vanclay, 2003). La SIA souhaite aussi sensibiliser davantage les planificateurs, de même que les décideurs et l’ensemble de la communauté à propos des aspects sociaux et culturels des zones riveraines, tels que les relations physiques, récréatives et culturelles entre la communauté même et la rive (Sairinen, 2006).

 

Afin d’analyser les préoccupations des partis intéressés et concernés, la SIA s’appuie sur les connaissances locales et utilise un processus participatif (Vanclay, 2003). Ainsi, l’un des éléments clés de celle-ci est de proposer certaines méthodes d’analyse pour évaluer les impacts sociaux de points de vue différents selon les groupes de la population (sociale, âge, ethnique). Les impacts sociaux se réfèrent non seulement aux relations de cause à effet, mais aussi à des significations et des valeurs sociales subjectives. La SIA doit donc fonctionner dans le contexte de différentes perspectives et d’ensembles de valeurs des intervenants distincts (Sairinen, 2006). Elle reconnaît aussi que les impacts sociaux, économiques et biophysiques sont tous intrinsèquement liés. Ainsi, il faut prendre en considération les impacts au deuxième niveau, de même que les impacts cumulatifs (Vanclay, 2003). Au final, la SIA examine les différentes façons d’expérimenter et d’utiliser le bord de la mer, des lacs ou des rivières en compréhension avec leurs qualités pouvant profiter à la communauté (Sairinen, 2006).  Elle peut être considérée comme un cadre global qui évalue tous les impacts sur l’homme et de tous les types d’interactions que les gens et les communautés peuvent avoir avec leur environnement socio-culturel, économiques et biophysique. L’ampleur de l’évaluation se lie donc avec une panoplie de spécialistes des sous-domaines impliqués tels que : les impacts esthétiques - à partir d’analyse du paysage, les impacts culturels, les répercussions sur les droits des peuples autochtones, les impacts sur les infrastructures et ce n’est qu’un aperçu (Vanclay, 2003).

 

Critères d’évaluation des impacts sociaux

 

D’après Sairinen, la dimension sociale de la régénération d’une rive en milieu urbain peut être divisée en quatre catégories tirées des principes de la SIA. Ces critères d’observation qui seront approfondis sont: les ressources et l’identité, le statut social, les accès et les activités et, finalement, l’expérience.

 

Ressources et identité

 

Les projets de régénération des rives en milieu urbain peuvent grandement contribuer à l’image que la ville projette. Notamment, Shang spécifie que les rives ne symbolisent pas seulement l’image de la ville, mais représentent aussi le tissu urbain environnant, de même que son paysage urbain sous une forme visuelle unique (Shang, 2011). Autrefois, les rives étaient au cœur des activités qui caractérisaient les villes. Leurs ressources disponibles ont concentré, dans bien des cas, la vie dans ces pôles qui aujourd’hui dévoilent un caractère historique notable. Or, la diminution des activités portuaires depuis les dernières décennies a transformé ces zones en friches. Celles-ci représentant dorénavant de belles opportunités pour redéfinir les lieux et du même fait, l’occasion de se réapproprier les rives et de renforcer l’identité de la ville (Wang, 2002). “In a time of pervading sameness and homogenization worldwide […] waterfronts above all factors give each community a chance to express its individuality and help distinguish it from others" (Ali et Nawawi, 2009: 530). Il faut donc penser la réussite de la requalification des espaces riverains tant au niveau du citoyen même qui peut en profiter et se reconnaître à travers le projet, mais aussi au niveau du touriste qui découvre la richesse de la ville à travers celui-ci. En effet, Shang souligne que les rives et l’image de la ville qui s’en rapporte fournissent un fort sentiment d'appartenance et laissent une impression importante dans l'esprit des gens (Shang, 2011).

 

Ainsi, lorsque Sairinen analyse les effets sociaux possibles qu’un projet de requalification des espaces riverains peut engendrer, celui-ci propose de poser les questions suivantes, dans la dimension de “Ressources et identité”:

 

  • Quelles sont les caractéristiques spécifiques des zones riveraines?

  • Quelles ressources peuvent être considérées comme des éléments à exploiter dans la région?

  • Quelles sont les valeurs environnementales, culturelles ou historiques de la région spécifique et qu'est-ce que les citoyens/visiteurs pensent de ces valeurs?

  • Est-ce que les zones riveraines ont une importance en ce qui a trait à l’identité visuelle, sociale et culturelle de la communauté?

  • Est-ce que la ville/communauté locale fait usage de ces zones riveraines comme partie intégrante de l'identité locale?

  • Est-ce que certaines ressources locales contribuent à l'image de la région/ville? 

 

À partir de ces interrogations, Sairinen applique cette méthode en analysant trois cas de régénération d’espaces riverains à Helsinki. Le cas d’Aurinkolahti est caractérisé par l’abondance de ressources naturelles dans la région environnante, soient la mer, l’archipel et la forêt. Celles-ci ont d’ailleurs été considérées à la base du processus de régénération de la rive afin de contribuer à l’identité du lieu. Une plage publique, par exemple, se retrouve face au nouveau secteur résidentiel. Ainsi, une répercussion positive sur la totalité des quartiers environnants et des résidents est engendrée avec la création d’une zone récréative qui ajoute une effervescence à la nouvelle rive, considérée comme la baie ensoleillée. L’intervention du cas d’Arabianranta exploite de son côté une image d’art et de culture qui valorise le caractère historique de la ville. En effet, celle-ci s’identifie fortement à une usine de porcelaine qui a donné son nom à la région. Par conséquent, ce concept de créer une ville d’art et de design est renforcé par les interventions réalisées sur la rive, contribuant de façon positive à leur industrie de l’art (Sairinen, 2006). “Therefore, to some degree, waterfront regeneration was seen as an urban panacea, a cure-all for ailing cities in search of new self-images or ways of dealing with issues [...] To open up the waterfront became an international phenomenon of urban development” (Wang, 2002: 1).

 

Statut social

 

Selon Sairinen, il faut accorder une attention particulière à la conception et la planification des projets de revitalisation des espaces riverains, pour éviter une possible ségrégation sociale. Il stipule qu’une réflexion doit être portée sur les espaces publics et l’accessibilité pour tous, afin que chaque résident et visiteur de tous les statuts sociaux puisse profiter de manière équitable de la rive redécouverte. De ce fait, le programme choisi pour l’intervention peut grandement affecter cet objectif. Par exemple, si l’on parle d’une nature résidentielle, l’implantation de logements sociaux ou de logements privés n’aura pas le même impact dans la société. Il est donc impératif de bien analyser les qualités urbaines environnantes, le programme déjà mis en place, dans le but de favoriser une mixité ou de retrouver un balance sociale si c’est nécessaire. Effectivement, Sairinen souligne que si une intervention de régénération d’une rive concentre son programme résidentiel en mettant en priorité une clientèle privée, celle-ci peut faire augmenter les prix d’une manière remarquable – participant donc à la ségrégation sociale.         

 

Ainsi, lorsqu’il est le temps d’analyser les effets sociaux d’un projet de requalification des espaces riverains, dans la dimension du “statut social”, Sairinen propose de poser les questions suivantes:

 

  • Pour quels groupes (sociaux, âge, ethnies) sont conçues les zones riveraines?

  • Quel est le rôle du logement social/privé dans la formation du statut social de la région?

  • Comment la ségrégation sociale peut être prévenue?

  • Est-il possible que le plan d’un espace riverain produise une gentrification?

 

Quant à l’analyse des cas de régénération d’espaces riverains à Helsinki, Sairinen fait également ressortir les impacts sociaux qui concernent le statut social. Cependant, ces exemples ont un caractère résidentiel prédominant. D’après lui, dans ce cas, le meilleur outil est celui de la diminution de la tension entre les intérêts privés et publics au travers de l’implantation d’un équilibre. Plus spécifiquement, dans les cas de Ruoholahti et d’Arabianranta, on cherchait à apporter une structure sociale mixte – les bâtiments résidentiels possédaient donc une variété de typologies pour une clientèle hétéroclite avec des besoins multiples et variants. La mixité prédominante a eu au final une réponse très positive de la part des divers occupants du secteur. Cela permet donc d’arriver à la conclusion que l’implantation d’une mixité est un excellent moyen pour établir une structure de population socialement équilibrée. Le cas d’Aurinkolahti comporte dans son intervention uniquement des bâtiments résidentiels à caractère privé. Ceci est dû à la forte prédominance d’habitations à caractère social et locatif existantes. En fait, cette intervention a initié une gentrification qui a affecté de manière positive non seulement l’implantation d’un équilibre du statut social de la région, mais aussi la réputation du quartier en entier (Sairinen, 2006).

 

Accès et activités

 

D’après Wang, le changement de nature des activités portuaires et l’évolution de la technologie ont grandement détérioré la relation entre les villes et les ports (Wang, 2002). En conséquence, les rives en milieu urbain, sont restées longtemps  inaccessibles au public. "Not surprisingly, an important aspect in waterfront regeneration is to make the waterfront accessible to people […] emphasize this aspect especially since recreation on the waterfront has become so popular in recent years” (Sairinen, 2006: 131). Effectivement, les activités reliées aux projets de régénération au bord de l’eau incluent, entre autre, la récréation, le tourisme, la navigation, la pêche, la natation, le patinage, etc. D’autre part, Timur considère qu’il est possible d’évaluer l’accessibilité à l’eau selon trois connexions différentes, soient la connexion de la ville avec la rive, la rive comme zone de continuité et la connexion de la rive avec l’eau (Timur, 2013). En revanche, Shang associe l’accessibilité à l’eau avec les activités qui lui sont associées, en développant sur la variété d’interactions qu’il est possible d’expérimenter, tant avec la vue, le toucher et l’ouïe. Les rives nécessitent, de ce fait, d’insérer l’aspect d’accessibilité depuis le début de la conception des programmes de régénération, afin de créer des projets qui intègrent le public et l’invitent, rendant la destination attrayante et vibrante au cœur de la communauté. Néanmoins, Shang note que l’accessibilité à la rive doit se considérer non seulement à partir de la ville mais aussi à partir de l’eau, et ce, autant physiquement que visuellement - et même psychologiquement. De plus, l’auteur considère les perceptions des usagers lors qu’ils accèdent au bord de l’eau, telles que les difficultés rencontrées, le temps passé, le coût, le stationnement, la notion d’accessibilité universelle, etc. (Shang, 2011). Sairinen mentionne également qu’il y a des risques là où l’intervention de la rive a un caractère résidentiel prédominant, puisque l’accès à cette zone est souvent moins perméable, tant par des barrières physiques que par des barrières psychologiques. Il est donc impératif d’éviter ce type d’obstacles et d’aménager des accès visibles et attrayants proche du bord de l’eau. 

 

Ainsi, lorsque Sairinen analyse les effets sociaux possibles qu’un projet de requalification des espaces riverains peut engendrer, celui-ci propose de poser les questions suivantes, dans la dimension d’Accès et activités:

 

-      Est-ce que les zones riveraines sont accessibles au public?

-      Comment la présence de l’eau a été prise en compte dans la structure urbaine de la région?

-      Est-ce que la structure urbaine fournit des accès faciles pour les piétons et les véhicules vers la rive?

-      Est-ce que des barrières artificielles ou naturelles existent et bloquent la route à l'eau?

-      Est-ce que le trafic et le stationnement posent des problèmes à proximité du de la rive?                  

-    Est-ce que des installations appropriées ont été fournies pour faciliter l'accès au site (ex: rampes d'accès à la plage, sentiers, installations de pique-nique, de pêche, de canotage, d'observation, etc.)?

-      Est-ce que les routes vers la rive sont clairement indiquées?

-    Est-ce que le site dispose d'installations qui permettent aux citoyens/visiteurs/touristes de faire usage du potentiel récréatif?

               

Quant à l’analyse des cas de régénération d’espaces riverains à Helsinki, Sairinen fait également ressortir les impacts sociaux qui découlent de l’accès et des activités du site. Dans le cas de Ruoholahti, la rive et ses espaces environnants ont complètement été laissés aux piétons, ce qui ne pose aucun obstacle physique et/ou psychologique. Les résidents et visiteurs peuvent ainsi profiter de la rive à son plein potentiel. Or, la connexion de la rive avec l’eau est manquante puisqu’il n’y a aucun accès à l’eau. L’intervention du cas d’Aurinkolahti a réalisé, de son côté, une implantation claire où des installations permettent l’accès, autant vers les espaces résidentiels que les espaces riverains. Par conséquent, l’intervention demeure très accessible autant pour les résidents que les visiteurs. Le cas d’Arabianranta possède un parc sur sa rive qui, lui-même, demeure connecté à d’autres activités récréatives. D’ailleurs, le parc reste accessible à tous. Au final, le succès d’une requalification d’espaces riverains en milieu urbain dépend fortement du succès des activités implantées et de l’accès mis en place.

 

Expérience

 

De nos jours, les requalifications des rives en milieu urbain s’axent beaucoup sur la présence de la nature et la vue vers l’eau, soit le lien entre l’usager et l’eau, ainsi que l’expérience que celui-ci ressent (Sairinen, 2006). D’ailleurs, les expériences ressenties peuvent être diverses en dépendant du corps d’eau qui longe le projet. Par exemple, l’expérience de se retrouver face à la mer est différente de celle vécu face à un lac, ou même une rivière, etc. Timur spécifie que même la forme du rivage à un impact important sur les relations entre la ville, l’eau et l’usager. Il met l’accent sur la source d'eau en zone urbaine et ses effets qui ont, selon lui, un impact sur la santé humaine - effets qui peuvent être de nature visuelle, tactile, auditive, esthétique, fonctionnelle et même psychologique. En effet, les expériences émotionnelles sont perçues avec les sens (Timur, 2013).   

 

De ce fait, lorsque Sairinen analyse les effets sociaux qu’une régénération des espaces riverains peut occasionner, celui-ci propose de poser les questions suivantes, en ce qui concerne la dimension “Expérience”:

 

  • Comment est-ce que les gens expérimentent les milieux riverains?

  • Quelle est l'importance des messages visuels (scènes ouvertes ou fermées), du contact physique (textures de sable, de roche et de l'eau), des odeurs (brise de mer, cafés, industries), des sons (vent, oiseaux, trafic) et du déplacement dans l'espace (facilité/difficulté)?

  • Est-ce qu’on ressent une transition en s’approchant de la rive (chemin vers l’eau)?

  • Comment les visiteurs de la région perçoivent les ressources existantes?


Dans les cas étudiés par Sairinen, la présence de l’eau peut être perçue de plusieurs façons. Un cas est toutefois plus urbain que les deux autres qui sont d’une nature plus mixte; dû à leur intégration d’éléments urbains, naturels ou récréatifs. Ainsi, la mer joue un rôle important à Ruoholahti. L’eau s’incorpore à la zone résidentielle sous la forme d’un canal qui s’ouvre ensuite vers la mer. La ville est, principalement, de caractère urbain puisque l’eau est sous contrôle. Pourtant, le vent, les sons, et les odeurs font tout de même ressentir la présence de l’eau. Dans le cas d’Arabianranta, l’espace construit est séparé de l’eau par un parc long et étroit. D’après Sairinen, l’expérience reste plus au niveau de la nature puisqu’une même importance est accordée aux espaces récréatifs et à la mer même (Sairinen, 2006). Les diverses interventions de revitalisation des espaces riverains en milieu urbain doivent donc intégrer et concevoir les projets de façon à profiter et exploiter l’éventail d’expériences que l’eau a à offrir.

 

Évaluation des impacts sociaux

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